Un testament de Carl Rogers ? Résumé, commentaires et réflexions à propos d’une conférence de Brian Thorne

André E. BOTTEMAN, directeur adjointPDF
D.Ps., membre de l’Équipe « Psychologie Sociale des Insertions » du Laboratoire de Psychologie de l’Université Victor-Segalen, Bordeaux 2


Auteur

Résumé/Abstract

Brian Thorne est l’un des derniers disciples de Carl Rogers puisqu’il l’a connu personnellement à partir des années 70. La conférence qu’il a prononcée à Paris le 26 janvier 2002, lors de la 10e rencontre sur l’Approche Centrée sur la Personne, s’appuie surtout sur la dernière entrevue accordée par Carl Rogers à Michaël Baldwin (2000). Cette conférence reprenant l’essentiel du chapitre 7 du livre de Brian Thorne (2002), nous avons dû renoncer à la publier telle quelle afin de respecter les droits de l’éditeur. Dans ce résumé, nous avons commenté et regroupé sous différents paragraphes les principaux thèmes abordés par le conférencier.

Contenu

Introduction

Un quatrième élément ?


La psychanalyse et la psychologie remises en question


Le soutien des scientifiques


L’abandon ou l’oubli de soi


Le problème religieux


Réflexions personnelles


Conclusion : de l’expérience du psychologue à celle du mystique ?


Introduction

La 10e rencontre sur l’Approche Centrée sur la Personne nous a permis de retrouver Carl Rogers, son esprit et son œuvre, dont nous avions découvert l’existence à la lecture du livre de Joseph Nuttin (1961) et par les articles d’André de Peretti (1967), parus dans la revue Études. Ensuite, nous avons lu « Le Développement de la Personne », premier ouvrage de Rogers (1970), que nous nous sommes procuré. Notre initiation est devenue beaucoup plus vivante, grâce aux cours de Jean-Claude Abric à l’Université d’Aix-Marseille en 1971-72 dans le cadre d’une initiation à la psychologie sociale et dont le lecteur retrouvera les éléments dans son ouvrage sur la « Psychologie de la Communication » (1999, p.25-50). Dans la bibliographie de ce cours figurait d’ailleurs l’ouvrage de Max Pagès (1970) sur « L’Orientation nondirective » , dont nous avions souligné de larges passages de la préface et notamment celui-ci : « Rogers refuse résolument la chosification, l’objectivation auxquelles est d’ordinaire soumis le client du thérapeute » (p.vii). Mais l’initiation à la pratique de l’Approche Centrée sur la Personne nous la devons à un psychothérapeute, Jean-Francis Blondel, et aux stages qu’il organisait dans la région toulousaine entre 1980 et 1983, en se référant en partie aux premières éditions de l’ouvrage de Roger Mucchielli, sur « L’entretien face à face dans la relation d’aide ».

Notre participation au colloque de Paris fut pour nous une réelle joie car elle nous a permis de rencontrer des disciples de Carl Rogers dont un des plus anciens, André de Peretti. Et nous avons vécu, à notre niveau, l’expérience décrite par un participant à un atelier de Carl Rogers et qui raconte comment il avait ressenti cet élan vital, qui se manifeste « hors des barrières habituelles que dressent les « moi-je » et les « toi-tu »» (Rogers, 2001, p. 169).

La conférence de Brian Thorne, dont nous rapportons l’essentiel, est entremêlée de nos commentaires et réflexions, si bien qu’il est parfois difficile de discerner ce qui est de Brian Thorne et ce qui est de nous. Nous avons été amené à procéder de cette façon afin de préserver les droits de l’éditeur puisque la conférence de Brian Thorne constitue le chapitre 7 de son dernier ouvrage publié en anglais (Thorne, 2002). Si le présent article existe, le mérite en revient donc entièrement à Brian Thorne et à sa conférence du 26 janvier 2002.

Cette conférence nous a révélé de nouveaux aspects de la personnalité de Carl Rogers suite à l’entrevue qu’il avait accordée à Michaël Baldwin (2000), entrevue qui fut la dernière de sa vie. Comme dans un testament, Rogers nous livre à cette occasion, le fond de sa pensée en faisant fi de toute précaution. Il y exprime avec vigueur des idées qui auraient été peu appréciées dans les milieux traditionnels du counseling et de la psychothérapie. Pour Brian Thorne, cette entrevue manifeste toutes les caractéristiques d’un homme en paix avec lui-même et animé d’une liberté intérieure qui se situe aux antipodes de l’anxiété. Il semble d’ailleurs qu’une profonde acceptation de soi, pleinement consciente de ses défauts et de sa vulnérabilité s’allie, à ce moment-là chez Rogers, à une inaltérable confiance dans la capacité de la rencontre interpersonnelle à susciter le changement. Changement qui se produit dès que s’établit cette synergie entre des personnes sans que celles-ci aient à se replier sur une position de défense.

Mais par dessus tout, Brian Thorne relève chez Rogers cette confiance profonde en sa propre expérience qui l’a conduit à découvrir une réalité plus grande à laquelle lui-même et les autres participent. Il apprécie de plus en plus des adjectifs qualificatifs comme mystique, spirituel et transcendant (Cf. Thorne, 1994, p.36-37). Rogers montre qu’il fait appel parallèlement aux découvertes scientifiques qui alimentent sa recherche du sens et de la preuve empirique.

Un quatrième élément ?

Dans cette entrevue, aux dires de Brian Thorne, Rogers rapporte l’épisode tiré de la thérapie d’un homme schizophrène. Cet homme se montrait particulièrement indifférent quant à vivre ou à mourir. « Je me rends compte, lui dit Rogers, que vous vous ne souciez pas de vous-même, mais je veux que vous sachiez que je me soucie de vous et de ce qui vous arrive ». Cela eut, paraît-il, un effet immédiat et l’homme se mit à pleurer. L’entretien prit alors une tournure décisive. En réfléchissant à cet incident, Rogers dut convenir, que ce fut lorsqu’il parla à cet homme comme à une personne et qu’il exprima ses sentiments pour lui qu’un véritable choc eut lieu. Ceci incita Rogers à se demander si dans ses écrits il n’avait pas trop insisté sur les trois éléments essentiels que sont la congruence, la considération positive inconditionnelle et la compréhension empathique. Peut-être avait-il découvert un quatrième élément, encore plus important que nous nommerions : l’intensité de la présence, au sens fort d’être  de façon sensible et de le manifester à la manière de Dieu : « Je suis et resterai présent » (Buber, 1957, p.59, 60). Cette densité de la présence devint pour Rogers l’élément essentiel de la thérapie : « ma simple présence est efficace et bienfaisante » (cité par Thorne, 1994, p.58). Il déclara même que, parfois, le meilleur de la thérapie peut conduire à une dimension spirituelle (Cf. Baldwin, 2000, p. 35). Ajoutons, pour notre part, que Rogers rejoint ainsi l’opinion d’Ivanka pour qui les auteurs spirituels du XIIe siècle se sont intéressés à la psychologie principalement en fonction de leur attrait pour l’expérience mystique dans laquelle ils voyaient l’accomplissement des possibilités humaines (Ivanka, 1953, p.202-208). Dans ces moments de présence intense, « j’ai l’impression, dit Rogers, que mon esprit est entré en contact avec celui de l’autre, que notre relation se dépasse elle-même et s’intègre dans quelque chose qui la transcende et qu’adviennent alors, dans toute leur profondeur, l’épanouissement, le salut et l’énergie » (Rogers, 2001, p.168-169).

La psychanalyse et la psychologie remises en question

Brian Thorne fait remarquer qu’il n’est pas étonnant de voir Rogers, dans le contexte d’une réflexion aussi nettement mystique, s’élever contre les psychanalystes et contre la confiance accordée au concept de transfert. Il voit celui-ci avant tout comme un moyen extrêmement subtil pour éviter une réelle relation et pour protéger le thérapeute contre un véritable engagement sans lequel ne peut avoir lieu l’exploration de sentiments réels. La critique de Rogers vis-à-vis de la psychanalyse venait tout à la fois du fait qu’elle encourageait, selon lui, l’inauthenticité et qu’elle empêchait l’accès au domaine spirituel.

Cependant, il nous semble, comme le fait remarquer André de Peretti, que Rogers reconnaît par ailleurs « que, dans sa forme de thérapie, il se produit habituellement des segments de transferts, mais qui restent la plupart du temps discontinus et légers. Une relation transférentielle structurée et dépendante ne se développe pas, parce que le thérapeute rogérien ne la recherche pas et parce qu’il ne soutient pas une situation de supériorité et de distance affichée à l’égard du client » (Peretti, 1997, p.77). Ce qui est confirmé par Rogers : « Si le thérapeute adopte un rôle d’autorité, le client réagira , tout naturellement, par une attitude de soumission et de dépendance. Autrement dit, si l’un « joue au père », l’autre jouera « à l’enfant ». Par contre, si le thérapeute se présente en égal, le client aura tendance à répondre en égal – sinon immédiatement, du moins graduellement » (Rogers et Kinget, 1971, I, p.105) ; ce qui diminue sensiblement le risque d’une relation de transfert (Rogers et Kinget, 1971, II, p. 226-227).

Brian Thorne note aussi que, tout au long de cette entrevue, Rogers donne l’impression d’être libéré des contraintes de la psychologie officielle. Durant les dernières années de sa vie, il s’est d’ailleurs senti de plus en plus étranger à la profession qu’il avait si ardemment défendue, jadis, contre les prétentions des psychiatres. Devenu professeur de psychologie et de psychiatrie en 1957 à l’université du Wisconsin, il n’avait guère imaginé que quelques années plus tard il abandonnerait la chaire de psychologie en signe de protestation contre les idées étriquées et avides de pouvoir de ses collègues. Le désenchantement l’entraînerait alors à déclarer avec humour, à propos de la formation de thérapeute, qu’il préférerait avoir quelqu’un qui ait une connaissance étendue et approfondie en littérature ou en sciences physiques plutôt que quelqu’un qui serait toujours spécialisé en psychologie afin de devenir thérapeute. Il pense qu’un large savoir ainsi qu’une large expérience de vie sont bien plus essentiels pour devenir un bon thérapeute.

Le soutien des scientifiques

Il faut garder à l’esprit, pour Brian Thorne, que c’est un homme âgé de 85 ans qui, n’ayant plus rien à perdre, ose dire ce qui auparavant aurait été ridiculisé et tourné en railleries. De plus le contexte d’une entrevue lui permet de se détendre dans un dialogue avec un interlocuteur particulièrement doué.

Au moment où il essaie d’exprimer ses expériences spirituelles Rogers se souvient, et rappelle à son interlocuteur, qu’il est un scientifique aussi bien qu’un mystique. Il se sent très proche, dit-il, des physiciens qui ne scindent pas vraiment les atomes, mais qui s’alignent sur la façon dont les atomes se scindent eux-mêmes. De la même façon, il a le sentiment que, parfois, dans les relations interpersonnelles, potentialités et énergie se libèrent et dépassent ce que nous pourrions imaginer.

Dans cette dernière entrevue, Rogers s’efforce de saisir une science qui, lui semble-t-il, contribuerait à l’étude de l’expérience spirituelle directe et qui lui apporterait la manière dont pourrait s’envisager la réconciliation de la science et de la religion. Quelques années auparavant Rogers avait commencé à ébaucher les grandes lignes de cette réconciliation dans A Way of Being (1980), alors qu’il découvrait que Prigogine, dans ses travaux sur les systèmes d’énergie internes à l’environnement, avait suggéré que le monde de la nature était probabiliste plutôt qu’uniquement déterministe (Prigogine, 1994, p.42-43). Ce qui avait enthousiasmé Rogers. Prigogine affirmait, entre autres, que plus une structure devenait complexe, plus elle consacrait d’énergie à maintenir sa complexité, ce qui entraînait une instabilité essentiellement créatrice (Prigogine, 1994, p.85 ; Peretti, 1997, p.176). Pour Rogers ceci donnait sens aux états de transformation observés chez l’être humain et expliquait pourquoi bon nombre de facteurs, agissant les uns sur les autres, pouvaient conduire à des changements sensibles et à des modifications psychologiques profondes. Il reliait ceci au concept d’expérience immédiate (experiencing) en psychothérapie (Rogers, 1970, p.50, note 1; Thorne, 1994, p.126-128), et trouvait chez Prigogine un soutien pour comprendre comment le fait de perturber un système pouvait se révéler efficace lorsqu’il s’agissait, en l’occurrence chez l’être humain, d’une libération de sentiments refoulés.

Pour Rogers les travaux de Prigogine et celui d’autres scientifiques promettaient une humanité capable de se transcender. Il était important pour lui que Prigogine ait vu dans les sciences de la complexité une forte ressemblance avec les découvertes des sages et des mystiques d’Orient. Toujours dans A Way of Being, on décèle la satisfaction de Rogers lorsqu’il découvre, de manière inattendue, l’approbation de résultats d’expériences qu’il avait été amenés à reconnaître en tant que thérapeute et facilitateur de groupe et qui, auparavant, avaient échappé à une explication rationnelle. Ce qui devenait ainsi tangible c’était la force de changement que de pareilles expériences exerçaient sur ceux qui les vivaient. L’attention de Rogers était ainsi attirée par une science qui semblait pouvoir se connecter avec des phénomènes qu’il avait précédemment étiquetés de transcendants, d’indescriptibles, d’inattendus et de transformationnels. Il trouvait là un soutien scientifique à sa vision optimiste de l’humanité et la confirmation d’un potentiel d’évolution qui s’affirmait dans la vie. A la fin du chapitre six de A Way of Being, Rogers ose exprimer clairement ce qui était en substance, pour Brian Thorne, la justification de l’œuvre de sa vie. Il écrivait : « peut-être sommes-nous en train de toucher le point culminant de notre aptitude à nous transcender, à créer des directions nouvelles et plus spirituelles dans l’évolution de la planète » (Rogers, 1980, p.134). Pour Rogers l’aptitude à être pleinement lui-même dans ses relations, à se permettre d’être lui-même, était nettement étayée par l’expérience transcendantale de scientifiques tels que Prigogine.

Bergin (1991) fait référence à une lettre qu’il avait reçue de Rogers en 1985, lettre qui montre à quel point un tel apport scientifique l’avait enhardi à croire en une sorte d’entité transcendante organisatrice de l’univers et qui était aussi à l’œuvre dans l’être humain. Peut-être existait-il une Personne essentielle qui subsistait à travers le temps, voire même à travers l’éternité ? La conséquence d’une telle déclaration montrait que Rogers était disposé à admettre, pour lui comme pour son client ainsi que pour toute l’humanité, la possibilité d’être vivants pour l’éternité. Avec tout le retentissement qu’une telle perspective apporterait dans la perception de l’image de soi, de ses relations avec autrui, avec son environnement et la vie en général (Cf. Rogers et Kinget, 1971, I, p.179).

L’abandon ou l’oubli de soi

« Abandon de soi », « don de soi », « oubli de soi », « abnégation de soi »… Toutes ces expressions nous conduisent au cœur d’une des conceptions profondément paradoxales de Rogers: il s’agit pour le thérapeute d’être à la fois présent et absent, aussi bien à lui-même qu’à l’autre, congruent et empathique, d’être à la fois centré sur l’autre et centré sur soi, pleinement présent à l’autre (don de soi) tout en restant attentif à soi (affection de soi) (Cf. Peretti, 1997, p. 206-207). On ne peut éprouver de sentiments positifs envers autrui que dans la mesure où l’on éprouve ces mêmes sentiments positifs pour soi (Cf. Pagès, 1970, p.66). La présence à l’autre suppose la présence à soi et la relation que le thérapeute essaie d’établir avec son client ne peut être en aucun cas une fuite de lui-même.

Ainsi pour Rogers ce qui importe au thérapeute est de pouvoir opérer cet effacement discret de soi pour mieux s’investir dans l’instant présent tout en ayant son principe de sécurité en lui-même. Ce principe de sécurité n’implique pas l’infaillibilité. Au contraire, pour être accessible à l’autre il est nécessaire de reconnaître sa propre imperfection. Rogers va jusqu’à dire que l’aptitude même à aider dépend d’une telle prise de conscience. Il parle aussi de relations au cours desquelles un tel niveau d’intimité et d’intensité est atteint qu’il a le sentiment que sa « simple présence est libératrice et utile » (Rogers, 2001, p.168) . Il conclut que c’est à cause de l’état de son propre être dans de telles circonstances qu’une immense énergie est libérée et transmise à son client.

Le sens de ce terme énergie demande à être précisé en raison de sa polysémie. Il nous semble que Rogers fait allusion ici à cette « énergie spécifique d’action », énergie endogène d’un comportement (Piéron , 1973, p.148), énergie potentiellement présente en chacun de nous,  « qui dispose ainsi d’une puissance neuro-psychique, c’est-à-dire d’un potentiel de communication ou influence, qu’il peut déployer plus ou moins autour de lui » (Peretti, 1999, p.104). Car nous ne sommes pas un organisme vide, inerte et insensible, nous pouvons non seulement, « mettre en œuvre sur l’environnement matériel ou humain une puissance motrice » (ibid.) ; mais nous pouvons également utiliser des énergies multiples, que nous régulons en fonction de nos échanges avec autrui (ibid.).

Dans l’entrevue accordée à Baldwin, la complexité des attitudes d’ouverture, générées par cette sécurité intérieure est évidente : capacité à se maintenir dans l’instant présent, engagement à aider les autres, conviction qu’il y a au cœur de la personne une aptitude à se construire, disposition du thérapeute à s’assumer, avec le sentiment de sa propre vulnérabilité et la reconnaissance de ses défauts ou de ses insuffisances. Tous ces aspects ont été bien répertoriés dans l’approche rogérienne. Ce qui, toutefois, semble nouveau pour Brian Thorne, c’est l’insistance mise par Rogers sur le fait de s’abandonner au processus de changement inhérent à la vie, d’être assez confiant pour avancer sans comprendre totalement, tout en sachant qu’il est possible de revenir à soi. De plus, il semblerait évident, pour Rogers, qu’un tel oubli de soi, considéré comme son ultime utilisation, ne peut être entrepris que par quelqu’un qui possède un bagage étendu et surtout une image de soi enrichie par une large expérience de vie se rapportant aux relations avec autrui, avec le milieu et avec la vie en général, ainsi qu’aux valeurs qui se rattachent à ces différentes perceptions (Cf. Rogers et Kinget ,1971, I, p.179).

Pour Brian Thorne, cette exigence, énoncée avec insistance par Rogers, nous révèle un point important quant à la weltanschauwung ou vue intuitive du monde par le thérapeute (Cf. Foulquié, 1982, p.771). L’aptitude à abandonner la préoccupation de soi, mais aussi à y retourner, exige de solides points de repères dans un monde en évolution ; monde dans lequel la personne apparaît elle-même comme un élément changeant dans une structure qui la transcende : « La vie, dans ce qu’elle a de meilleur, est un processus d’écoulement, de changement où rien n’est fixe. Chez mes clients , comme chez moi-même, c’est lorsque la vie m’apparaît comme un flux mouvant qu’elle est la plus riche et la plus satisfaisante » (Rogers, 1970, p.25)1. Il semblait &agagrave; Rogers, en tant que scientifique empirique, que de tels points de repère, fournis par de nouveaux scientifiques, apportaient des justifications à ses propres expériences « imprégnées de transcendance, d’indescriptible, de spirituel » (Rogers, 2001, p. 169). Toutefois, son allusion à quelqu’un qui posséderait une connaissance étendue et profonde en littérature laisserait penser qu’il n’envisageait pas la compétence et l’expérience scientifiques comme la seule alternative à l’acquisition des points de repère nécessaires au voyage qui mène à l’oubli de soi. Le paradoxe du soi présent de façon flagrante et qui peut en même temps s’abandonner et se livrer à ce processus semble être pour Rogers le point crucial. L’engagement du thérapeute à développer son savoir et son expérience renforce et améliore ainsi sa capacité à être totalement présent et à faciliter l’oubli ou l’abnégation de soi.

C’est la crainte qui empêche le don de soi. Or, pour Carl Rogers si, d’une part, je suis réellement en contact avec moi-même, en sécurité avec moi-même et si je m’accepte entièrement et, d’autre part, si je suis véritablement en contact avec l’autre, si je développe une empathie profonde, i.e. si j’accepte l’autre sans aucune restriction et si j’ai une connaissance de moi et si je m’engage à une connaissance de l’autre assez profonde, alors la crainte s’évanouit. Autrement dit, c’est dans la mesure où je m’appartiens que je peux faire don de moi sans crainte. « Je ne peux pas donner une chose qui ne m’appartient pas. Bien plus, je ne donne vraiment que ce à quoi je tiens, que ce qui est de moi-même, c’est-à-dire moi-même » (Troisfontaines, 1968, II, p.57).

Pour celui qui souhaite devenir thérapeute, déclare Brian Thorne, il est important qu’il puisse s’accepter d’abord tel qu’il est avec ses limites et ses imperfections. Ensuite, qu’il puisse s’aimer. En effet, il y a une différence entre l’acceptation de soi et l’amour de soi. S’il est capable de s’accorder une valeur incontestable alors il peut se détacher de soi complètement, se négliger et s’oublier. Il peut alors être totalement présent dans l’ici et maintenant : il est complètement dans tout ce qui arrive, il adhère au réel, il est pleinement là pour l’autre personne ! Il y a en anglais l’expression : self love, l’amour de soi ; mais on dit presque toujours selfishness. Ce qui signifie que l’on focalise tout sur ses propres besoins. Or il y a tout un abîme entre selfloving et selfishness. Si je suis selfish, dit Brian Thorne, je suis plein de moi, préoccupé de moi. Mais si je suis self-loving, je suis capable de faire totalement abstraction de moi, parce qu’il n’y a plus d’anxiété. Et je n’ai donc plus aucune préoccupation de moi. Je suis capable de me mettre à côté de l’autre, en me rendant totalement accessible à lui, parce que le moi n’est plus un obstacle. En revanche, si je suis un problème pour moi-même, la crainte peut s’emparer de moi et s’emparer aussi de mon client. Mais si je suis vraiment capable de m’aimer, je suis aussi porté à m’oublier. En effet, « il n’y a rien en moi ou hors de moi qui ne doive être regardé comme don. Le meilleur de moi ne m’appartient pas ; je ne suis aucunement « propriétaire » mais seulement dépositaire » (Troisfontaines, 1968, I , p. 339).

Dès lors, comme le dit Brian Thorne, cette capacité d’être véritablement là où on est, d’être vraiment présent dans l’instant, dépend peut-être de notre capacité d’être en même temps en relation d’aide avec nous-mêmes et en relation d’aide avec l’autre. Sommes-nous capables d’alterner congruence et empathie ? Sommes-nous capables d’effectuer cet aller et retour entre lui et moi et de demeurer dans l’ici et maintenant ? Est-il vrai que lorsqu’on entre dans une relation profonde on n’est plus conscient du temps  et que l’on se retrouve dans une espèce d’éternité, quelque chose hors du temps ? Et qui nous permettrait d’embrasser, d’une certaine façon, la totalité des choses ? Une telle démarche peut rejoindre une philosophie existentielle : « L’amour authentique vise à réunir choses et personnes en une réalité supérieure – cette Réalité qui est en nous plus nous-mêmes que nous – ; par là, il transcende effectivement la multiplicité et nous ouvre à la plénitude de l’être. Quand les divers sujets communient dans le nous de l’amour, leur avoir concret est de plus en plus éprouvé comme être, c’est-à-dire comme imprégné ou saturé des influences qui émanent des sujets eux-mêmes » (Troisfontaines, 1968, I, p.235).

De même que Teilhard de Chardin évoque l’enroulement organique de l’univers sur lui-même qui conduit à la loi de complexification/conscience (1955, p.334 ; Peretti, 1999, p. 85), Rogers, parle de l’entrelacement de tout au sein de l’univers et va jusqu’à dire : « je sais que je suis mon client et que mon client est moi et que nous faisons, tous les deux, partie de quelque chose qui nous dépasse. Nous reconnaissons ainsi que nous participons à une réalité bien plus grande ». Cette phrase de Carl Rogers évoque, pour nous, celle de Thomas Merton (1915-1968), le célèbre moine américain : « nous prenons part à quelque chose de beaucoup plus grand que nous-mêmes » (Merton, 1951, p.387). Nous rattachons aussi cette idée à la métaphore d’Antoine de Saint-Exupéry parlant des pierres d’un édifice, qui deviennent partie d’une réalité qui les dépassent et qui les intègrent. Elles sont ennoblies lorsqu’elles deviennent pierres d’une cathédrale (Cf. Saint-Exupéry, 1942, XXV, p.198). Nous rejoignons alors Rogers dans cette prise de conscience de l’imbrication de toutes choses et que finalement « notre monde et nos actions sont inséparables » (Varela, 1989, p.224). Nous n’existons donc pas d’une façon juxtaposée ou séparée. Au contraire, nous existons « en communauté avec tout et avec tous et nous prenons une conscience de plus en plus vive de l’interdépendance de toutes les composantes de l’univers » (Troisfontaines, 1968, II, p.53). Et même si le misanthrope moderne paraît « essentiellement sociable », c’est qu’il « ne se brouille avec personne parce qu’il est incapable de se lier avec autrui ; pour lui il n’y a rien à rompre, rien à briser ; il n’est membre d’aucun groupe et traverse en étranger toutes les cités humaines (…). Il est juxtaposé au réel (…). Il est incapable d’être vraiment avec les autres parce qu’il est incapable d’être avec lui-même » (id., 1968, I, p.278).

Le problème religieux

Dans sa jeunesse, Rogers avait songé à devenir pasteur. Il y eut des moments où il se sentait très proche de Dieu et où libéré de l’angoisse de devoir se plier à des définitions dogmatiques, il se sentait envahi par des sentiments de compassion universelle à l’instar de mystiques de l’église d’Orient2 et emporté par le désir d’annoncer l’évangile. Pourtant à l’âge de 20 ans et après un voyage en Chine, comme membre d’une délégation chrétienne, il pouvait écrire : « avant tout peut-être je me suis placé au seul point de vue logique, je veux savoir ce qui est vrai sans me soucier de savoir si cela me laisse chrétien ou non ». Pourtant n’avait-il pas écrit dans le compte rendu de ce congrès, que la somme de mal, d’égoïsme et de haine que les étudiants avaient observés dans le monde, les avaient ramenés « au Christ comme au seul Unique qui ait la solution » à leurs problèmes ? (Peretti, 1997, p. 39).

Soixante-quatre ans plus tard dans l’entrevue accordée à Baldwin, Rogers semble respirer la paix intérieure, corollaire du fait d’avoir poursuivi la vérité et autant qu’il avait pu, et d’être resté fidèle à sa propre expérience. Après avoir abandonné l’étude de la théologie, puis s’être investi dans celle de la psychologie pour y renoncer ensuite, il réitère à son interlocuteur cette déclaration faite à André de Peretti dans une lettre du 20 février 1972 : « je suis trop religieux pour être religieux » !  « Je crois que ce paradoxe, poursuit-il, résume très bien ma position. Je suis un idéaliste, un humaniste, et je travaille vers quelques-uns des mêmes buts que ceux vers lesquels travaillent des personnes religieuses, mais je n’ai pas besoin des étiquettes (labels) ou des concepts (constructs) de la religion » (Peretti, 1997, p.146). Au fond, ce sont les « étiquettes » et l’embrigadement qu’elles impliquent qui indisposent Rogers. Dans cette même lettre à André de Peretti, il écrit que c’est une chose très constructive pour lui d’en être venu à reconnaître que « Dieu est mort ». « Je ne crois pas qu’il y ait aucune force surnaturelle qui puisse venir en aide. Je n’ai aucun recours à une foi où à une religion organisée, à une église ou à la prière, à la vie après la mort, ou à d’autres choses qui sont communément regardées comme des parts de la religion »  (id., p.146). Cependant, et dans ce même texte, il dit avoir la conviction qu’il existe une « sorte de force qui est à l’œuvre dans cet univers changeant, et que cette force opère dans les hommes aussi bien que dans les planètes » (Ibid.). Et il ajoute qu’il n’a aucune idée de ce que cela peut être, soit que nous pensions cette force « comme une force personnelle, soit comme quelque chose entièrement au-delà de notre compréhension » (id.p.146).

Et quelques années plus tard, l’expérimentateur engagé, le penseur logique et le chercheur empirique, comme le dit Brian Thorne, se plaît à entrevoir un monde plus vaste où les énergies abonderaient, où l’amour de soi engendrerait l’abandon de soi et où l’espoir dans l’éternité deviendrait une attitude éminemment rationnelle. Est-ce le résultat d’une évolution personnelle ?

Réflexions personnelles

Nous avons émaillé ce résumé (forcément incomplet) de la conférence de Brian Thorne par des commentaires et des citations. En effet, cette conférence a suscité en nous un travail de réflexions personnelles. Celles-ci ont été pour nous un enrichissement et un approfondissement de la pensée de Carl Rogers. Nous les livrons à la sagacité et à la critique du lecteur :

1) Dans cette entrevue avec Baldwin, les critiques formulées par Rogers, à l’encontre des psychologues seraient-elles moins fondées quand il s’agit de la France ? En effet, ce sont les médecins qui détiennent le pouvoir dans notre Pays et l’affirment depuis longtemps : « Les psychologues doivent demeurer avant tout des psychotechniciens dans le cadre des auxiliaires médicaux (…). Il s’agit « de créer un corps particulier de psychologues au service des médecins (…) « Pour eux (les psychologues), il n’y a qu’une solution : si vraiment ils veulent voir des malades, faire des diagnostics et de la psychothérapie, il faut qu’il leur soit imposé d’être docteurs en médecine » (Ordre national des médecins, 1970, p.190-192). Et ce pouvoir médical s’est encore affirmé en 2002 lors des revendications des médecins à propos de l’augmentation de leurs honoraires !

Par ailleurs, les critiques de Ganguilhem (1958, p.12) accusant les travaux de psychologie de mélanger une philosophie sans rigueur et une éthique sans exigence auraient sans doute étonné l’expérimentaliste qu’était Rogers (Cf. la réponse de Pagès, ibid., p.26). Ceci montre que tout corporatisme conduit à l’affirmation de son pouvoir et de son champ de compétence. Les psychothérapeutes n’y échappent pas non plus (Cf. Pedevilla, 2002, p.23). Mais les psychologues n’ont jamais manqué de faire leur auto critique comme Jean Château, qui a dénoncé « ce complexe du psychologue qui le jette, à travers une technicité étroite vers des vues étriquées et infécondes » (1972, p.6). Plus récemment, Michel Schiff a estimé « que le souci de se démarquer du vulgaire et de se positionner sur l’échiquier scientifique conduit le chercheur en psychologie à gonfler artificiellement sa technicité » (1990-1991, p.195).

Mais, tout en reconnaissant que la psychologie n’a pas encore accédé à sa pleine maturité, il ne s’agit pas pour autant de cautionner une psychologie de magazine, plus apte à alimenter les fantasmes de ses lecteurs qu’à présenter la psychologie comme une discipline rigoureuse (Cf. Richelle, 1978, p. 70, 79-80). Quant à Rogers, il se demande comment venir à bout de ces charlatans qui font fortune en exploitant la détresse humaine ? (Rogers, 2001, p.395). « Nous devons nous rendre à l’évidence : en matière humaine, le diplôme ne garantit guère la compétence » (id. p.395). « A mon grand regret, je suis bien obligé de constater qu’on trouve autant de charlatans et d’exploiteurs chez les diplômés que chez les non diplômés » (id.p.394). Rogers est d’autant plus autorisé à tenir pareil langage qu’il a été celui qui n’a cessé de soumettre son approche à des contrôles et à des recherches méthodiquement scientifiques.

Toutefois, les réserves, voire même les oppositions auxquelles Rogers a été confrontées lors de sa venue en France en 1966 ne l’ont-elles pas conforté dans ses critiques vis-à-vis de la psychologie et de la psychanalyse ? Ne l’a-t-on pas accusé de « régression généreuse vers l’irrationnel », de « philosophie très courte, mélange d’optimisme, de sentimentalisme et de scientisme » (Roustang, 1966, p.788). En revanche, d’autres se sont sentis « directement invités par cette effervescence créatrice » (Peretti, 1967, p. 39), qui leur faisait découvrir « un type de relation beaucoup plus souple qu’en psychanalyse » (Peretti, 1997, p.118 ; voir aussi Thorne, 1994, p.143-151).

2) La déclaration de Rogers selon laquelle il préférerait quelqu’un ayant une large culture littéraire ou scientifique pour devenir thérapeute doit être prise avec précaution. Elle ne saurait servir à méconnaître le cursus des études de psychologie tel qu’il se déroule depuis les années 1970 en France. Le psychisme humain n’est pas une entité éthérée : son étude suppose la prise en compte de sa genèse dans le temps, de son développement dans une société donnée et de sa condition incarnée. Il implique un large savoir qui va de la philosophie à la sociologie, en passant par la biologie, la neurophysiologie, la psycholinguistique, la géographie humaine, la psychologie du développement ou psychologie génétique, la psychologie sociale, la psychologie du travail, l’éthologie, etc. « Le psychisme est un système ouvert aux influences ; mais la découverte psychologique a consisté à révéler les liaisons internes qui régissent les éléments constituants du psychisme et leurs transformations. La psychologie traduit donc en termes de rapports et de puissances internes et signifiantes ce qui était anciennement conçu en termes de rapports à une réalité extérieure à l’univers humain. Cette traduction signifie reconnaissance de lois qui régissent les ensembles psychiques » (Vergote, 1978, p.30).

La déclaration de Rogers interpelle plutôt les chercheurs en psychologie sur leur manque d’audace qui les cantonne dans une « psychologie de clairière » ( Château, 1972, p.9), où tout le monde ratisse au même endroit, déjà largement défriché, en s’évertuant à reprendre des questions parfois déjà abondamment traitées, voire même résolues (Turbiaux, 2002, p.314). Mais ce que Rogers déplore surtout à son époque (c’est-à-dire en 1973), c’est la dichotomie profonde qu’il constate entre les « cours théoriques, qui font appel à l’intelligence abstraite » et les « stages pratiques » où entrent « en jeu les émotions de l’étudiant ou de ses patients » (Rogers, 2001, p.397-398). « On se rend à l’université pour penser » et puis on s’inscrit dans des groupes de rencontre pour parler des émotions ou des préoccupations qu’on a refoulées ; alors qu’il conviendrait d’accorder « la même importance aux sentiments qu’aux idées » dans les programmes universitaires (Rogers, 2001,p.399). Cette dichotomie ou plutôt ce manque de dialectisation s’observe « aussi dans la querelle entre psychologues expérimentalistes et psychologues cliniciens. Cette querelle montre les rigidités et les défiances, et par suite les fixations, qui résultent d’un manque de correspondance rapide entre pratique et théorie (comme entre objectivité et subjectivité) ». « On critique ou on adopte à trop bon compte. On crée, pour un oui, pour un non, des néologismes » (Peretti, 1999, p.364).

Pour Rogers il est essentiel, pour le thérapeute centré sur la personne, de bénéficier d’un large savoir nourri par l’expérience. Mais en même temps il déclare qu’il doit bien exister de par le monde des personnes vers lesquelles d’autres se tournent spontanément pour solliciter un soutien psychologique. Ainsi à la fois Rogers souhaite une large culture pour le thérapeute et en même temps il le met en garde contre la tentation d’afficher sa supériorité intellectuelle en s’autorisant à poser n’importe quelle question ou de juger de la valeur rationnelle, morale ou pratique des choses qui lui sont confiées (Rogers et Kinget, 1971, I, p.105). S’il exerce sa profession parce qu’elle lui permet de briller, de se donner de l’importance, de paraître supérieur (id.p.117), il manque à sa mission qui est d’encourager l’expression des sentiments, de désamorcer les tensions et de les libérer. La tentation la plus subtile pour celui qui écoute (psychothérapeute, psychologue, travailleur social, etc.), est d’amener ou de maintenir l’entrevue sur le plan intellectuel. En ce faisant il se protège (consciemment ou inconsciemment), mais il est aussi tenté de croire que sa relation avec le client implique qu’il en sache plus que lui, qu’il soit plus savant que lui, sous peine de compromettre cette relation. Se pose donc la question de la place du savoir du thérapeute dans son activité d’écoute. On peut être cultivé sans être un savant ! Et si le psychothérapeute – alors qu’il se sera efforcé de maintenir l’entrevue sur le plan intellectuel – ignore tout de tel ou tel sujet abordé par son client il sera contrarié et se reprochera son ignorance. Mais s’il possède ou connaît bien le sujet abordé par son client il trouvera une certaine satisfaction à faire montre de son savoir. Dans les deux cas – connaissance ou ignorance du sujet abordé par le client – le fait de centrer l’entrevue sur son ignorance ou sur son savoir fait manquer au thérapeute sa vraie mission. Le paradoxe rogérien est donc que le thérapeute doit être cultivé, mais qu’en même temps il est tout à fait indifférent que le thérapeute en sache plus ou moins que son client sur tel ou tel sujet. Il n’est pas indispensable d’avoir fait des études d’astrophysique, d’architecture ou de médecine pour établir une relation d’aide avec un astrophysicien, un architecte ou un médecin ! Car le fondement de l’approche centrée sur la personne ne repose ni sur le savoir ni sur l’ignorance ; mais bien sur la disponibilité et les quatre éléments évoqués plus haut. Le client peut tout dire, tout exprimer sans être déconsidéré ou jugé. C’est au thérapeute de s’efforcer d’entrer dans l’univers de son client (Cf. Rogers, 1971, p.92).

3) A propos du problème religieux – et l’on sait combien ce sujet le rendait perplexe et le mettait mal à l’aise (Cf. Peretti, 1997, p.146 ; Thorne, 1994, p.37), – Rogers a été marqué par le puritanisme et la « théologie revêche » de son enfance impliquant une « conception négativiste et culpabilisante de la nature humaine » (Thorne, id., p.35), également par  des conceptions religieuses qui assimilaient « le corps au péché et l’âme au bien » (Rogers, 2001, p.400). Nous regrettons que Rogers n’ait pu avoir accès à la théologie orientale (orthodoxe russe surtout), qui a été introduite en France, puis aux États-Unis, à l’occasion de l’émigration russe des années 19203. Ce qui aurait peut-être permis à Rogers de mieux faire la distinction entre christianisme et religion. Car, pour Schmemann, théologien de l’église orthodoxe(1969, p.20-21), le christianisme n’est pas présenté dans le Nouveau Testament comme un culte ou une religion. Les vrais adorateurs, en effet, sont invités à adorer Dieu en esprit et en vérité et non en en lieu privilégié (Cf. évangile de Jean, ch. 4, versets 20-24), encore moins en se laissant juger  « au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune » (Lettre de Paul aux Colossiens, ch. 2, verset 16), ou encore en se laissant imposer des préceptes du genre « Ne prends pas ! ne goûte pas ! » (ibid. verset 21)5. Toute religion a pris fin, parce ce que (pour le chrétien), le Christ est la Réponse à toute religion, à toute faim humaine de Dieu. (Schmemann, id. p.21). La religion est nécessaire aussi longtemps que l’homme et le dieu sont considérés comme séparés ; mais puisque dans le Christ, l’Homme et Dieu sont unis, il n’y a plus besoin de religion. (Cf. Rey, 1998, p.3161-3162). Dès lors, « il faut que nous refusions l’équation Christianisme = religion » (Roqueplo, 1962, p.280). Même s’il en prend les apparences, le christianisme « n’est pas d’abord religion mais foi (en une Personne) ; avant d’être un ensemble de gestes, d’obligations et de pratiques il est une conviction » qui englobe la totalité de la vie (id., p.280). L’aveu de Carl Rogers (Cf. supra), peut donc aussi se comprendre dans le sens où il serait trop chrétien pour être religieux! Il rejoindrait ainsi Martin Buber pour qui « le premier de tous les dangers pour l’homme, c’est la “religion”» (Buber, 1945, p.19). Pourquoi ? Parce qu’en prétendant consacrer le monde à Dieu elle est devenue, en fait, ce qui l’en éloignait. Le « Dieu » qu’elle prétendait servir n’était « qu’un semblant docile », un Dieu idéal auquel elle croyait parler et duquel elle croyait saisir une réponse (id. p.19). Et cette religion plus elle croit relier, plus elle divise et oppose croyants et incroyants, fidèles et infidèles. En multipliant les prescriptions alimentaires ou vestimentaires, les religions créent l’uniformité au sein de leurs adeptes et les opposent aux adeptes des autres religions et cela jusqu’à l’intolérance, voire même jusqu’à la violence et à la guerre (Cf. Vallet, 2002, p.203).

4) « Je sais que je suis mon client et que mon client est moi » ! Cette phrase de Rogers rapportée plus haut par Brian Thorne, ne peut pas être comprise comme une projection ou une identification, mais comme une communion. Les personnes entrent en relation, en communication. Elles ne fusionnent pas, elles restent distinctes. Seul les métaux fusionnent sous l’effet de la chaleur et certains corps se dissolvent au contact d’un liquide. Dans les deux cas les composants disparaissent au profit d’une nouvelle entité. Or, bien souvent les gens confondent fusion et communion (ou amour).

« La différence entre l’empathie et la sympathie est importante mais malaisée à décrire. Ces sentiments sont apparentés en ce qu’ils représentent tous deux une résonance aux sentiments d’autrui » (Rogers et Kinget, I, p.107). La sympathie : sumpatheia de sum « avec » et de pathein « ressentir », voire même « pâtir », « souffrir ». (est rendu en latin par condoleo, condolere), « souffrir ensemble », « compatir à », d’où le mot « condoléances ». Pour André de Peretti, la sympathie peut côtoyer au sein d’un continuum affectif d’autres émotions qui peuvent « se colorer d’anxiété, ou de culpabilité, voire d’agressivité » (1999, p.166-167). L’empathie, en grec empatheia, composé sur le modèle de sympathie se retrouve en anglais dès 1904 sous le terme empathy pour rendre l’allemand einfühlung, créé en 1903 par Théodore Lipps (1851-1914) et signifie littéralement « sentir dedans », « comprendre par le sentiment » (Villain, 1964, p.62), et par extension état de celui qui est affecté intérieurement (Foulquié, 1982, p. 209-210). Théodore Flournoy (1854-1920), proposa, mais sans succès, le mot « intropathie » pour rendre l’allemand einfühlung. C’est la raison pour laquelle on peut la rapprocher de l’intuition (Frölich, 1997, p.159).

Pour Rogers l’empathie consiste dans un accès progressif au cadre de référence d’autrui « comme si » on était cette personne. On situe et on comprend comment elle désigne et vit ses sentiments (sa peine, sa douleur, sa joie et leurs causes), comme elle les éprouve, sans jamais oublier qu’il s’agit de ses expériences et de ses perceptions. Sans cela on tombe dans l’identification (Rogers et Kinget, 1971, I, p.197-198). Par ailleurs, Cosnier a longuement exposé et expliqué le concept d’empathie (1994, p.86-99). Mais nous hésitons à le suivre dans la définition qu’il en donne comme étant la capacité de se mettre à la place d’autrui (Id., p. 161). Car nous pensons qu’il n’est pas possible de se mettre à la place d’autrui, mais seulement d’essayer de le comprendre de l’intérieur (Cf. Abric, 1999, p.39). De fait, « nul autre homme ne sent notre sensation, ne pense notre pensée » (Janet, 1899, p.133). L’empathie, de même que la considération positive inconditionnelle, n’impliquent pas de prendre la place d’autrui , « même si elle essaie de pénétrer dans son monde intérieur » (Peretti, 1999, p.325).

En revanche, l’empathie nous permet de faire toute la place en nous pour que l’autre y trouve un espace de liberté et de paix, lui permettant de devenir « une personne humaine autonome, capable d’être ce qu’il est, de choisir son chemin » (Rogers, 1971, p.92). L’empathie, comme la communion sont créatrices de distinction et d’autonomie. N’est-ce pas une attitude de plus en plus fréquente dans notre culture que de penser que « tout le monde devrait avoir les mêmes sentiments, les mêmes pensées et les mêmes croyances ?» (Rogers, 1970, p.19). Alors qu’il s’agit surtout de se rencontrer sans se confondre, de s’aimer sans fusionner ! « L’empathie rogérienne a lieu dans la conscience aiguë de la séparation, de la contingence, de la différence, de l’individualité des deux êtres qui communiquent. Elle est à la fois perception d’autrui et perception de moi-même qui ne suis pas cet autrui et ne le serai jamais » ( Pagès, 1970, p.67). Comme le dit le poète, « qu’il y ait des espaces dans votre communion, et que les vents du ciel dansent entre vous » (Khalil Gibran, 1956, p.17-18)

Finalement, l’empathie recouvre deux notions : celle de décentration et celle d’implication. Décentration d’abord dans la mesure où elle est une sortie de soi et de son propre système de valeurs ; implication ensuite au sens où elle est « une démarche participative visant à la compréhension d’autrui en tant qu’autrui et à la prévision de ses potentialités » (Maucorps & Bassoul, 1960, p.8). Elle suppose donc une présence intense et forte (Cf. supra le quatrième élément), grâce à une attention soutenue pour ce que l’autre éprouve affectivement, par un effort de prise en compte de la réalité qu’il vit en évitant de se laisser submerger par l’émotion propre à la sympathie et de se laisser aller au jugement propre à l’investigation. (Cf. Mucchielli, 1994, p.79). Si la sympathie a trait principalement aux émotions, l’empathie, elle, englobe les aspects tant cognitifs qu’émotionnels de l’expérience d’autrui. De plus, dans la sympathie nous participons aux émotions d’autrui par le truchement de notre propre expérience, alors que dans l’empathie nous nous efforçons de participer à l’expérience d’autrui en nous référant à ce qu’il éprouve, lui, ici et maintenant (Cf. Rogers et Kinget, 1971, p.107).

Conclusion : de l’expérience du psychologue à celle du mystique ?

C’est l’expérience qui est le maître mot de Carl Rogers. Rollo May emploie le verbe expériencer, c’est-à-dire « ressentir » avec le client et non pas se contenter d’observer les phénomènes qui se manifestent mais essayer de les comprendre (May, 1971, p.24). L’expérience directe et personnelle est pour Rogers « l’autorité suprême » (Rogers, 1970, p.22) et elle est le fruit de « la rencontre de deux personnes » (Rogers, 1971, p.92 ; Cf. 1970, p. 13), et non la rencontre d’un Je et d’un Cela. C’est la raison aussi pour laquelle il ne s’autorise pas à persuader autrui d’adopter telle ou telle philosophie ou croyance. (Cf. Rogers, 1970, p.25). Et s’il a abandonné l’étude de la théologie c’est sans doute parce qu’il était trop théologien pour se laisser emprisonner par des définitions, des croyances ou des traditions souvent édictées par les hommes. (Cf. l’Evangile de Matthieu, ch.23, versets 1-4). Enfin il était trop psychologue pour se satisfaire d’approches partielles de l’individu, habituellement considéré comme un objet (Cf. Rogers, 1970, p.XVI), et qui répondaient à des pulsions partielles, alors qu’il avait acquis cette conviction que mieux un individu est compris et accepté dans son unité et sa globalité de personne, plus il a tendance à abandonner les fausses défenses dont il usait habituellement pour affronter la vie (Cf. Rogers, 1970, p.24).

Rogers reconnaît ne jamais avoir eu d’expérience mystique, mais il admet que, comme bien d’autres, il a « sous-estimé, l’importance de cette dimension mystique et spirituelle » (Rogers, 2001, p.169), alors que les preuves s’accumulaient sur l’existence d’une « réalité à part » (id., p.401). « Sommes-nous certains qu’il n’est pas d’autre réalité accessible à l’homme que celle qu’il connaît par l’entremise de ses cinq sens ? Et prendrons-nous, sans idée préconçue, le risque effrayant d’aller y voir de plus près ? » (id. p.404). Et pourquoi l’existence de cette « réalité » ferait-elle si peur aux psychologues ? Sans doute, répond Rogers, « parce que, n’étant pas du tout sûrs de notre science nous n’osons pas nous lancer dans l’inconnu » (id. p. 401).

Cette conférence de Brian Thorne suscite en nous deux interrogations supplémentaires. Tout d’abord, cette double reconversion de Rogers qui abandonne le pastorat pour la profession de psychologue et finalement s’oriente vers un monde mystique et transcendant. Cela constituerait-il un autre paradoxe de Rogers : prôner l’approche centrée sur la personne et délaisser le Dieu personnel pour une orientation mystique où la vie spirituelle devient « un processus mental » et « Dieu une forme d’énergie » (Vernette, 1993, p.109) ? Notre seconde interrogation complète la première : Rogers et son œuvre s’inscrivent-ils, dans ce que l’on a appelé, faute de mieux, le « New Age ». L’idée essentielle en serait « que l’humanité est en train d’entrer (…) dans un âge nouveau de prise de conscience spirituelle et planétaire, écologique et mystique, d’harmonie et de lumière, marqué par des mutations psychiques profondes » (Vernette, id., p.5), où « le professionnel , au lieu de se situer comme l’autorité- qui-sait et de se cantonner dans une neutralité affective, se situe comme partenaire thérapeutique et s’engage affectivement » (Vernette, id., p.66) ? Rogers serait alors effectivement un des maîtres à penser de « la nouvelle psychologie » (Vernette, id.p.49), psychologie existentielle et humaniste, qui refuse de se modeler sur une physique dépassée (Cf. Rogers, 2001, p.389), tout en voulant « renforcer et rénover la formation des psychologues de manière à leur conférer une efficacité bien supérieure aux gouroux qui, avec leurs “trucs”, toujours branchés, jamais testés, exploitent à leur profit l’évidente naïveté d’un public constamment à l’affût d’une panacée » (Rogers, 2001, p.397).

Auteur

André Botteman est docteur en psychologie de l’Université de Bordeaux 2 et directeur adjoint de la revue « Carriérologie » depuis janvier 1993. Courriel: abotteman@wanadoo.fr

Brian Thorne est professeur et directeur du « Centre for Counselling Studies » à l’Université d’East Anglia Norwich. Courriel: Ifarrow@norwichcentre.org

Notes

  1. Comparer avec la doctrine d’Héraclite (env.576-480 av. J.C.), pour qui la stabilité n’était qu’illusion et l’écoulement perpétuel des choses la véritable réalité
  2. « Celui qui a ce cœur (charitable), ne pourra se rappeler ou voir une créature, sans que ses yeux ne se remplissent de larmes à cause de la compassion immense qui saisit son cœur » (Lossky, 1944, p.105).
  3. Rogers aurait apprécié sans nul doute une anthropologie et une théologie plus optimistes telles qu’on les trouve entre autres chez Lossky (1944) ou chez Evdokimov (1959) et d’autres théologiens orthodoxes. Par exemple Evdokimov écrit : « En Orient, très explicitement, c’est l’élément divin de la nature : l’imago Dei, qui se pose en fondement de l’anthropologie » (p.59 de l’édition de 1979).
  4. D’origine russe, Alexandre Schmemann a fait ses études de théologie au séminaire Saint-Serge de Paris et a été ensuite professeur de théologie et d’histoire de l’église au séminaire orthodoxe Saint-Vladimir de Crestwood, N.Y. L’ouvrage auquel nous renvoyons a été écrit à la demande de la National Student Christian Federation et achevé à Labelle, Québec, en août 1963. On peut regretter qu’il n’aie pas rencontré Carl Rogers, qui était attiré par la mystique orientale.
  5. Qu’on se souvienne du sentiment de culpabilité qui envahit le jeune Carl lorsqu’il but sa première bouteille de limonade ! (Rogers, 1970, p. 5).

Abstract

Brian Thorne is one of the last disciples of Carl Rogers, whom he knew personally since the 1970s. His January 26, 2002 address in Paris at the 10th Meeting on Client-Centered Therapy was based on the last interview granted by Carl Rogers to Michaël Baldwin (2000). The address, summarizing a chapter of Thorne’s book (2002), could not be reproduced here in its entirety for copyright reasons. Instead, we have reviewed here the main topics discussed by the lecturer.

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