La gestion des motivations des étudiants dans le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres au secondaire: pour favoriser la satisfaction professionnelle
Résumé/Abstract
Les enseignants québécois, comme les enseignants occidentaux, sont particulièrement insatisfaits professionnellement. Cette insatisfaction entraîne son lot de problèmes pour le système éducatif provincial, dont une pénurie d’enseignants. D’une part, nous savons que les universités québécoises doivent favoriser la satisfaction professionnelle future de leurs étudiants. D’autre part, nous savons aussi que pour y parvenir, elles doivent faire en sorte que leur formation des maîtres aide les étudiants à mieux gérer leurs motivations. Reste à savoir dans quelle mesure les universités remplissent leur devoir à cet effet. L’analyse de documents officiels reliés aux programmes québécois de formation des maîtres du secondaire permet de voir où se situent les lacunes relatives à la gestion des motivations des étudiants dans le volet conceptuel de ce curriculum. C’est au niveau des orientations officielles données aux programmes que le bât blesse, car elles n’incluent aucun des quatre éléments permettant de gérer de façon optimale les motivations.
Contenu
1. Constat d’insatisfaction professionnelle des enseignants et rôle des universités
2. Abrégé du cadre conceptuel
3. Méthodologie relative au volet conceptuel du curriculum évalué
4. Résultats
5. Discussion : intégration d’éléments favorisant la satisfaction professionnelle dans le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maître du secondaire
6. Conclusion : axes d’amélioration du voleut conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire en lien avec les exigences pour favoriser la satisfaction professionnelle
1. CONSTAT D’INSATISFACTION PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS ET RÔLE DES UNIVERSITÉS
Certaines relations existant entre la satisfaction au travail et diverses caractéristiques des employés mettent en évidence l’insatisfaction ressentie par un nombre important d’enseignants occidentaux, surtout chez les jeunes recrues. Ces relations ont été démontrées en totalité ou partiellement au fil des décennies par, entre autres, Hirschman (1970), Michel (1989), Lemire (1995), Spector (1997) et par Statistique Canada (2006). Elles sont énumérées dans les titres des paragraphes suivants. Ces paragraphes présentent des données actuelles concernant la situation des enseignants.
Relation entre la satisfaction au travail et l’intention de démissionner ou la démission des employés
Le Conseil supérieur de l’éducation indiquait dans son rapport intitulé Un nouveau souffle pour la profession enseignante (2004) un taux d’abandon de la profession enseignante de 20 % dans les cinq premières années d’exercice, au Québec. Ce taux grimpe jusqu’à 50 % aux États-Unis selon une étude effectuée par Moore Johnson et The Project on the next generation of teachers (2004). Or, la moyenne est d’environ 6 % pour l’ensemble des professions, selon Martineau (cité dans Pagé, 2006), qui fait référence à King et Peart (1992). Par ailleurs, la profession enseignante détient la palme d’or en matière de démissions annuelles (Ingersoll, 2001).
Relation entre la satisfaction au travail et l’engagement des employés envers l’organisation ou la profession
Il y a près de 20 ans, Huberman (1989) concluait, à la suite de travaux longitudinaux effectués en Europe et portant sur la carrière des enseignants, qu’un pourcentage important d’entre eux avaient un engagement de départ fragile envers leur profession, en même temps qu’un attrait certain envers le domaine de l’éducation. En effet, 40 % des enseignants interrogés avaient hésité à s’engager dans l’enseignement, dont 15% à cause d’un intérêt envers une autre profession de l’éducation. De plus, 43 % avaient déjà songé à démissionner une fois en poste.
Des années auparavant, Lortie (1975) avait aussi effectué une vaste étude sur le cheminement professionnel des enseignants et avait également conclu à un manque d’engagement de ces derniers envers leur profession, et ce, dès leurs premières années d’exercice, car la majorité des enseignants débutants n’avaient pas l’intention d’enseigner durant toute leur carrière dans une salle de classe. En dépit des changements de pratiques et de clientèles depuis cette étude marquante du milieu de l’éducation, Moore Johnson et The Project on the next generation of teachers ont obtenu en 2004, quoiqu’avec un échantillon restreint d’enseignants, des résultats similaires. Ils ont effectué une étude longitudinale auprès de 50 nouveaux enseignants du Massachusetts : seulement 15 % de ceux pour qui cette profession était leur première carrière planifiaient rester dans une salle de classe jusqu’à leur retraite, même si 42 % affirmaient vouloir s’engager dans le domaine de l’éducation.
Sultana (2002), qui a récemment étudié le problème de la pénurie d’enseignants aux États-Unis, est également arrivé à la conclusion d’un engagement incertain envers la profession enseignante de la part des jeunes enseignants comme de ceux d’expérience. Les résultats de son étude intitulée A study to examine the problem of teacher shortage and solutions indiquent que 30 % des enseignants considèrent un changement de carrière, alors que 21 % en considèreraient un s’il ne s’agissait pas du nombre d’années déjà investies dans cette profession, pour un total de 51 % vivant avec un désir d’occuper un autre emploi que celui d’enseignant.
Relation entre la satisfaction au travail et la santé physique et psychologique des employés
Une étude réalisée par le professeur Soares (2004) de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM sur l’épuisement professionnel des membres de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente environ 100 000 enseignants, indique qu’un membre sur trois risque l’épuisement professionnel. Plus d’un salarié sur 10 souffre actuellement d’une dépression modérée (9 %) ou sévère (3.7 %) directement liée à ses conditions de travail et à la surcharge de sa tâche.
Relation entre la satisfaction au travail et l’absentéisme des employés
Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS) rendait tout récemment publiques des données quant à l’évolution de l’absentéisme chez les enseignants québécois. Le portrait inquiète le Ministère, alors que depuis l’an 2000, les congés sabbatiques et de maladie sont en hausse constante. Tout congé confondu, le quart des enseignants du Québec s’absente pendant au moins une partie de l’année scolaire (MELS, 2006). Ainsi, les renseignements actuels concernant les divers aspects de la vie professionnelle des enseignants sont autant de symptômes d’une insatisfaction au travail préoccupante. Cela dit, les universités québécoises qui forment les enseignants ont-elles un rôle à jouer face à leur insatisfaction au travail ? Si l’on se base sur la mission de ces établissements d’enseignement, la réponse est affirmative.
Le gouvernement du Québec a en effet établi certains principes pour guider ses actions concernant les universités (Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 2000). Parmi eux se trouve celui stipulant qu’elles doivent contribuer au développement de la personne. Or, la satisfaction professionnelle étant reliée au bien-être général (Spector, 1997) et à la réalisation de soi (Maslow, 1989 ; Bujold, 2000), elle constitue une préoccupation légitime pour toute institution se donnant le devoir de contribuer au développement de la personne. Les universités doivent aussi être attentives aux besoins de la société, et chercher à répondre à ces besoins. C’est là un autre principe établi par le gouvernement du Québec. Connaissant les problèmes de recrutement et de rétention en enseignement, dont traitent explicitement de nombreux auteurs, il apparaît logique qu’une institution sensible aux besoins sociaux le soit à celui de trouver des solutions au problème d’insatisfaction des enseignants, dont une des conséquences est la démission. Considérant donc que les universités québécoises devraient, pour remplir pleinement leur mission, tenter de contrer l’insatisfaction que vivent plusieurs étudiants en éducation une fois en poste, il importe de se demander comment elles le peuvent.
Les exigences envers les programmes de formation en général — et de formation des maîtres — pour favoriser la satisfaction professionnelle se résument à celles-ci : permettre aux étudiants de mieux gérer leurs motivations pour éviter un écart trop important entre leurs rêves de jeunes professionnels et la réalité parfois difficile du marché du travail, et pour qu’ils se sentent en contrôle de leur destinée professionnelle (Michel, 1989 ; Marso et Pigge, 1992 ; Lemire, 1995 ; De Jesus et Paixao, 1996 ; Hammerness, 2000 ; Sultana, 2002 ; Inman et Marlow, 2004). Ainsi, basée sur la problématique de l’insatisfaction au travail des enseignants, sur son lien avec la mission des universités québécoises et sur les théories relatives à la satisfaction professionnelle, notre recherche vise à découvrir :
Dans quelle mesure certains volets du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire intègrent-ils des éléments favorisant la satisfaction professionnelle des enseignants ?
Pour répondre à cette question, deux volets du curriculum évalué ont été considérés : sa conception, soit la planification et la théorie relatives aux programmes, et son opérationnalisation, soit son actualisation telle que vécue par les bénéficiaires (Durand, 1996). Chacun de ces volets a fait l’objet d’un objectif de recherche.
- Objectif relié à la conception du curriculum :
Évaluer dans quelle mesure la mission et les objectifs des différentes instances gérant le curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire1 intègrent des éléments favorisant la satisfaction professionnelle des enseignants. - Objectif relié à l’opérationnalisation du curriculum :
Évaluer dans quelle mesure l’opérationnalisation de cette mission et de ces objectifs, telle que vécue par les étudiants en enseignement secondaire d’une université en particulier, intègre des éléments favorisant la satisfaction professionnelle des enseignants.
Notons que dans cet article, seuls les résultats de recherche concernant le volet conceptuel du curriculum en question seront présentés.
2. ABRÉGÉ DU CADRE CONCEPTUEL
2.1. Au coeur des exigences envers les programmes de formation pour favoriser la satisfaction professionnelle : la gestion des motivations
Michel (1989) et Lemire (1995) ont respectivement traité de l’influence qu’ont sur la satisfaction professionnelle les aspirations professionnelles et le lieu de contrôle, ce sentiment de contrôler sa destinée. Ces auteurs en sont arrivés à la même conclusion relative aux exigences envers un programme de formation pour favoriser la satisfaction professionnelle : l’importance de l’information qu’il véhicule, afin de gérer adéquatement les motivations.
La formulation des exigences faite par Michel (1989) intègre celle de différents auteurs2 ayant étudié les exigences envers un programme de formation — souvent plus spécifiquement de formation des maîtres — pour favoriser la satisfaction professionnelle future des étudiants. C’est pourquoi nous avons retenu ces trois exigences de Michel (1989) comme indicateurs permettant d’analyser certains volets du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire en regard des assises de la satisfaction professionnelle. Par contre, un quatrième élément dont ne traite pas Michel (1989) semblait primordial à considérer dans une telle analyse, compte tenu de sa mention dans plusieurs recherches au cours de la dernière décennie, dont celles de De Jesus et Paixao (1996), d’Inman et Marlow (2004) et de Moore Johnson et The Project on the next generation of teachers (2004). Il s’agit de l’importance, pour les programmes de formation des maîtres, de prévoir une aide relative à la phase critique qu’est l’insertion professionnelle des jeunes diplômés.
Ces quatre exigences, présentées au Tableau 1, sont donc les indicateurs retenus pour porter un jugement évaluatif sur certains volets du curriculum étudié dans le cadre de cette recherche.
Tableau 1
Exigences envers un programme de formation des maîtres
pour favoriser la satisfaction professionnelle
2.2. La notion de curriculum
Outre la division du curriculum en deux volets (Durand, 1996), expliquée précédemment, la définition de Goulet (1976, 1986) concernant cette notion a également été retenue. Cet auteur a divisé le curriculum en différents niveaux d’intentions, des généraux aux plus particuliers : le niveau des intentions d’apprentissage proprement dites, le niveau des objectifs généraux, celui des objectifs spécifiques et celui du plan d’intervention. Les valeurs et idéaux des différents niveaux axiologiques devraient être cohérents entre eux : c’est ce que Goulet appelle « la convergence curriculaire ».
3. MÉTHODOLOGIE RELATIVE AU VOLET CONCEPTUEL DU CURRICULUM ÉVALUÉ
Pour atteindre le premier objectif de notre recherche, la méthode d’analyse documentaire selon le modèle de la convergence entre les divers niveaux du curriculum étudié, telle que proposée par Goulet (1976, 1986), a été retenue. Par contre, nous avons effectué cette analyse en ciblant un aspect parallèle, c’est-à-dire extérieur au curriculum évalué : celui des exigences reliées à la satisfaction professionnelle.
Certains documents du MELS, du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) et des universités québécoises offrant un programme de formation des maîtres du secondaire ont donc été analysés (voir Tableau 2). La recherche des indicateurs retenus a d’abord été faite de façon dite « horizontale » (Goulet, 1976, 1986), c’est-à-dire pour chaque niveau curriculaire individuellement, en lisant les documents correspondant à chacun. Dans un deuxième temps, la recherche des indicateurs a été effectuée de façon dite « verticale » (Goulet, 1976, 1986), c’est-à-dire du premier niveau au quatrième, pour analyser la convergence entre les contenus des divers documents, relativement aux indicateurs. Le Tableau 2 résume cette méthode d’analyse documentaire.
Tableau 2
Méthode d’analyse documentaire en deux étapes basée sur le modèle de la convergence
entre les niveaux curriculaires de Goulet (1976, 1986)
Mentionnons que pour le quatrième niveau, le programme spécifique d’une seule université de petite taille, choisie pour des raisons de proximité géographique, a été approfondi.
4. RÉSULTATS
Les sections 4.1 à 4.4 correspondent à la première étape d’analyse, soit l’identification des données issues de la lecture des documents reliés à chaque niveau curriculaire, pour chaque indicateur retenu. Puis, l’analyse faite de la convergence entre les niveaux est décrite à la section 4.5.
4.1. Niveau 1 : la mission de l’université québécoise (MEQ, 2000)
Indicateur 1 : Prendre en compte les aspirations professionnelles des étudiants pour que cellesci puissent influencer leurs expériences tout au long de leur formation
Indicateur 2 : Informer adéquatement les étudiants quant aux divers choix professionnels qui s’offrent à eux relativement à leur domaine d’études
Indicateur 3 : Informer adéquatement les étudiants quant aux conditions réelles d’exercice de la ou des professions reliées à leur domaine d’études
Indicateur 4 : Aider lors de la phase d’insertion professionnelle des étudiants
Une gestion optimale des motivations des étudiants pour une plus grande satisfaction au travail, via les indicateurs retenus pour notre recherche, se retrouve en aval du premier niveau curriculaire. En effet, ces indicateurs sont reliés aux principes gouvernementaux concernant les universités québécoises comme des conséquences logiques de ces derniers. Une institution d’enseignement supérieur voulant contribuer au développement de la personne ne peut que conséquemment travailler à améliorer la satisfaction professionnelle des employés par ses programmes d’enseignement, puisque cette satisfaction a une influence directe sur le développement de la personne (Maslow, 1989 ; Spector, 1997 ; Bujold, 2000). De plus, une institution d’enseignement supérieur située au Québec et voulant répondre aux besoins de la société ne peut ignorer les problèmes de recrutement et de rétention des enseignants dans le réseau scolaire québécois et ainsi, vouloir contribuer à la satisfaction de ces professionnels par ses programmes de formation des maîtres, sachant que l’une des conséquences de l’insatisfaction est leur démission (Hirschman, 1970 ; Michel, 1989 ; Lemire, 1995 ; Spector, 1997 ; Statistique Canada, 2006).
4.2. Niveau 2 : les orientations des programmes québécois de formation des maîtres (MEQ, 2001 ; CAPFE, 2003)
Indicateur 1 : Prendre en compte les aspirations professionnelles des étudiants pour que cellesci puissent influencer leurs expériences tout au long de leur formation
Indicateur 2 : Informer adéquatement les étudiants quant aux divers choix professionnels qui s’offrent à eux relativement à leur domaine d’études
Indicateur 4 : Aider lors de la phase d’insertion professionnelle des étudiants
Les indicateurs 1, 2 et 4 ne trouvent pas d’écho officiel dans les orientations des programmes de formation des maîtres énoncées par le CAPFE selon le MELS.
Indicateur 3 : Informer adéquatement les étudiants quant aux conditions réelles d’exercice de la ou des professions reliées à leur domaine d’études
Au Québec, pour être agréé par le CAPFE, un programme de formation des maîtres doit être conforme aux orientations et aux compétences professionnelles déterminées par le MELS dans le référentiel de compétences intitulé La formation à l’enseignement : les orientations, les compétences professionnelles (MEQ, 2001). Les deux orientations majeures données à la formation des maîtres présentées dans ce document sont la professionnalisation de l’enseignement et l’approche culturelle de l’enseignement. La formation à l’enseignement dans cette optique s’appuie sur un référentiel de 12 compétences professionnelles4. Bien que la plupart siéent à tout enseignant, quel que soit son milieu de travail, elles ont été déterminées pour un enseignant œuvrant dans le réseau scolaire du Québec.
Cette distinction modifie la lecture de ces compétences car, par exemple, lorsqu’il est question de « programme de formation » dans l’une d’elle, on sous-entend le programme du MELS en vigueur dans les écoles subventionnées par le gouvernement du Québec. De même, lorsqu’on fait mention des « élèves », on parle des élèves de ces écoles, et non de tout apprenant potentiel. D’ailleurs, le nom des divers programmes québécois de formation des maîtres est sans équivoque quant à leur visée de formation professionnelle spécifiquement orientée vers l’enseignement pour le système scolaire : on ne s’inscrit pas dans un programme général de « baccalauréat en enseignement » ou de « baccalauréat en éducation », mais plutôt en éducation préscolaire, en enseignement primaire ou secondaire, ou encore en enseignement des arts à ces niveaux d’enseignement, etc.
Il est précisé dès l’introduction du référentiel que son objectif est de mieux informer les futurs enseignants sur les conditions réelles d’exercice de la profession enseignante telle que pratiquée dans le réseau scolaire québécois :
« Il convenait […] d’harmoniser la formation des maîtres aux changements touchant le système dans son ensemble et de la rendre mieux adaptée aux nouvelles réalités qui définiront le milieu scolaire pour les années à venir » (MEQ, 2001, p. ix).
L’information quant aux conditions réelles d’exercice des professions reliées à l’éducation est donc donnée de façon partielle et très ciblée : pour la profession enseignante, dans son exercice dans le réseau scolaire québécois. On mentionne également, par rapport à la première orientation, soit la professionnalisation, l’importance que la formation des futurs enseignants soit intégrée et ancrée dans les divers lieux de pratique, et qu’elle soit polyvalente.
« Le projet de professionnalisation a pour objet de promouvoir la formation intégrée. […] C’est pourquoi un accent plus fort est mis non seulement sur une meilleure intégration des cours à visée théorique et ceux de nature plus pratique mais aussi entre ces derniers et les conditions réelles d’exercice de la profession dans lesquelles le futur maître aura à travailler » (MEQ, 2001, p.25).
« Aussi, sans mettre en cause les visées de la formation pratique, il est souhaitable d’introduire une plus grande souplesse dans la nature et le modèle d’organisation et d’encadrement des activités éducatives liées à la formation pratique. […] Il y a lieu d’examiner, entre autres, diverses formes d’activités, divers modèles d’organisation et de supervision, divers lieux de stage qui pourraient contribuer à assurer une formation pratique à tous les futurs maîtres » (MEQ, 2001, p.26).
Ce principe d’ouverture quant aux lieux de stage rejoint aussi l’indicateur 3. Cela dit, conformément à l’objectif du référentiel, cette ouverture se restreint aux différentes écoles primaires et secondaires subventionnées par le gouvernement du Québec, plutôt que de s’étendre aux autres lieux d’exercice de la profession enseignante. En effet, la diversité dont il est question dans ce document officiel du MELS (MEQ, 2001) concerne plutôt le milieu socioéconomique, culturel et ethnique des écoles, ainsi que leur clientèle.
4.3. Niveau 3 : les objectifs particuliers de chaque
Indicateur 1 : Prendre en compte les aspirations professionnelles des étudiants pour que cellesci puissent influencer leurs expériences tout au long de leur formation
Indicateur 2 : Informer adéquatement les étudiants quant aux divers choix professionnels qui s’offrent à eux relativement à leur domaine d’études
Indicateur 4 : Aider lors de la phase d’insertion professionnelle des étudiants
Les universités du Québec sont libres d’établir des objectifs spécifiques pour leur(s) programme(s) de formation des maîtres, tant que ces programmes respectent les orientations dictées par le MELS, afin d’obtenir l’agrément obligatoire du CAPFE (CAPFE, 2003). Le Tableau 3 dresse le portrait de l’ensemble des objectifs fixés par les 11 universités québécoises offrant un programme de formation des maîtres du secondaire, et présentés dans le site Internet respectif de chaque établissement.
Tableau 3
Objectifs spécifiques de chaque université québécoise concernant son
(ses) programme(s) de formation des maîtres du secondaire
L’université vise à ce que, par leur formation, les étudiants puissent…
Aucun de ces objectifs particuliers ne traite explicitement de la prise en compte des aspirations professionnelles des étudiants, de l’information donnée quant aux différentes professions de l’éducation ou de l’aide à l’insertion professionnelle (indicateurs 1, 2 et 4).
Indicateur 3 : Informer adéquatement les étudiants quant aux conditions réelles d’exercice de la ou des professions reliées à leur domaine d’études
Tel qu’indiqué précédemment, les compétences professionnelles des enseignants énoncées par le MELS dans son référentiel (MEQ, 2001) ont pour but de mieux former les enseignants d’aujourd’hui à enseigner dans le réseau scolaire québécois et donc, de les informer sur les conditions réelles d’exercice de la profession reine de l’éducation : l’enseignement, dans un contexte précis de pratique : le réseau scolaire du Québec. Comme l’indique le Tableau 3, les objectifs particuliers des universités sont, pour la plupart (10 sur 13), reliés au développement de la totalité ou d’une partie de ces compétences. Ils sont ainsi en partie reliés à l’indicateur 3.
4.4. Niveau 4 : le contenu spécifique du programme de baccalauréat en enseignement secondaire de l’université ciblée
Indicateur 1 : Prendre en compte les aspirations professionnelles des étudiants pour que cellesci puissent influencer leurs expériences tout au long de leur formation
Tout comme les universités sont libres de fixer leurs objectifs spécifiques pour leur(s) programme(s) de formation des maîtres, elles le sont de décider du contenu et de l’organisation de ces programmes, tant qu’ils reçoivent l’agrément du CAPFE. C’est ainsi que les cours offerts et les modalités de formation pratique varient d’une université à l’autre. L’université que nous avons retenue propose à ses étudiants en enseignement secondaire un plan de formation comportant 93 crédits en formation théorique et 27 en formation pratique.
La formation théorique est principalement composée de cours obligatoires, mais elle comporte aussi des cours que les étudiants peuvent choisir. Ces cours libres sont de deux ordres : un cours optionnel, que les étudiants prennent parmi ceux offerts dans leur programme, et deux cours d’enrichissement, que les étudiants choisissent parmi tous les cours libres disponibles des autres programmes non reliés au domaine de l’éducation (par exemple, en administration). On peut penser que les étudiants ont la possibilité de prendre en compte leurs aspirations professionnelles pour influencer leur formation en choisissant des cours libres qui les intéressent ou qui correspondent à leur projet professionnel, que ces cours soient reliés à l’éducation (cours optionnel) ou non (cours d’enrichissement).
Indicateur 2 : Informer adéquatement les étudiants quant aux divers choix professionnels qui s’offrent à eux relativement à leur domaine d’études
Indicateur 4 : Aider lors de la phase d’insertion professionnelle des étudiants
Le descriptif du contenu des cours théoriques offerts dans le programme de l’université choisie ne permet pas de conclure qu’un ou plusieurs d’entre eux rejoint le deuxième ou le quatrième indicateur. Toutefois, nous savons, pour l’avoir lu dans le site Internet de cette université, qu’elle détient un Service d’emploi auquel les étudiants ont accès non seulement pendant leurs études, mais également lorsqu’ils sont diplômés. Ce service n’étant cependant nulle part mentionné dans la section du Module de l’Éducation du site Internet de l’université ciblée, nous concluons que l’aide à l’insertion professionnelle existe au niveau de l’université en général, mais n’est pas intégrée de façon spécifique, officielle ou structurée au plan de formation des programmes en éducation.
Indicateur 3 : Informer adéquatement les étudiants quant aux conditions réelles d’exercice de la ou des professions reliées à leur domaine d’études
Le plan de formation des programmes en enseignement secondaire de l’université choisie étant approuvé par le CAPFE, il vise assurément à développer les 12 compétences professionnelles des enseignants énoncées par le MELS (2001). En ce sens, il a ainsi le souci d’informer les futurs maîtres des conditions réelles d’exercice de la profession enseignante dans le réseau des écoles subventionnées du Québec.
Puis, la formation pratique de ce programme est divisée en quatre stages : un par année d’études. Ces stages se déroulent dans les écoles secondaires de la région où se situe l’université, mais ils peuvent avoir lieu dans une autre région au troisième et au quatrième stage, sur approbation du Module de l’éducation, selon le bon dossier scolaire de l’étudiant et la disponibilité des superviseurs de stage. Il n’est pas impossible qu’un troisième ou quatrième stage puisse avoir lieu à l’extérieur du Québec, mais l’étudiant devrait alors faire la preuve que ce stage lui permettrait de développer les compétences professionnelles des enseignants énoncées par le MELS. Par ailleurs, aucune procédure n’a été clairement établie en ce sens et comme aucune promotion n’est faite de cette possibilité, sa réalisation est très rare.
Le lien entre la formation pratique offerte à cette université et l’indicateur 3 est donc très fragmentaire, car encore une fois, seules les conditions d’exercice de l’enseignement au Québec peuvent être explorées, et encore, l’expérimentation de l’enseignement dans une certaine région du Québec est favorisée. Quant aux conditions d’enseignement dans les autres régions, il est possible de les explorer, mais ceci n’est pas la norme, encore moins pour ce qui est de l’enseignement ailleurs au Canada et dans le monde. Les conditions d’exercice des autres professions de l’éducation que l’enseignement ne trouvent aucun écho dans la formation pratique offerte.
Notons par contre que depuis 2006, le quatrième stage peut avoir lieu en même temps qu’un contrat d’enseignement5. Le stagiaire a donc la possibilité d’être rémunéré pendant sa période de stage, ce qui n’est pas possible en situation traditionnelle de stage. De plus, en stagecontrat, le stagiaire enseigne à ses propres élèves, alors que dans les circonstances de stage traditionnelles, il enseigne aux élèves de l’enseignant qui l’accueille. Cette nouveauté rapproche les conditions de stage des conditions réelles d’exercice de la profession enseignante au Québec.
4.5. Analyse de la convergence du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire en lien avec une meilleure gestion des motivations des étudiants
Premier et deuxième niveaux curriculaires
Tout d’abord, le lien logique reliant la mission de l’université québécoise (premier niveau curriculaire) aux quatre exigences envers les programmes de formation pour favoriser une meilleure gestion des motivations des étudiants ne se retrouve pas dans les orientations données par le Ministère aux programmes de formation des maîtres (deuxième niveau curriculaire). En effet, ni l’exigence de prendre en compte les aspirations professionnelles des étudiants, ni celle de les informer relativement aux divers choix de professions qui s’offrent à eux en éducation, ni celle de traiter avec eux d’aide relative à la phase d’insertion professionnelle ne se retrouvent dans ces orientations de façon claire et précise afin qu’on puisse y voir une convergence vers le premier niveau curriculaire.
Quant à l’exigence d’informer les étudiants des conditions réelles qui les attendent sur le marché du travail relativement aux professions de l’éducation, on y fait référence par la prescription du développement des 12 compétences professionnelles du référentiel conçu par le MELS, qui vise à former des enseignants mieux adaptés aux conditions d’exercice de la profession enseignante dans le réseau scolaire du Québec (MEQ, 2001). Cet objectif est cependant trop restrictif, car axé sur une profession – l’enseignement – dans un milieu précis, pour converger totalement vers l’indicateur 3. Nous constatons toutefois que le développement de ces compétences énoncées par le MELS pour former des enseignants aptes à oeuvrer dans le réseau scolaire du Québec est logiquement relié au titre du programme auquel il se rapporte : un programme d’enseignement au secondaire. La nature même de ce programme à visée « professionnalisante » ne converge donc par totalement vers l’exigence d’information quant aux conditions d’exercice de l’ensemble des professions de l’éducation.
Cette exigence est également abordée au deuxième niveau curriculaire lorsqu’on prône une formation pratique polyvalente et ancrée dans les divers lieux de pratique. Cependant, tel que mentionné lors de la première étape d’analyse et conformément à la nature des programmes québécois de formation des maîtres, cette diversité se restreint aux milieux d’enseignement du réseau scolaire québécois.
Premier, deuxième et troisième niveaux curriculaires
Au troisième niveau curriculaire, les lacunes du deuxième niveau sont répétées. Nous constatons donc qu’à ce niveau comme au supérieur, les indicateurs 1, 2 et 4 ne se retrouvent pas dans les objectifs spécifiques des programmes évalués. Quant à la relation partielle qui figurait au deuxième niveau avec l’indicateur 3, elle a traversé au niveau inférieur. Ainsi, la plupart des objectifs particuliers des universités pour leur(s) programme(s) de formation des maîtres sont reliés au développement d’une partie ou de la totalité des 12 compétences du référentiel du MELS, référentiel qui, nous le rappelons, vise à informer sur les conditions réelles d’exercice de la profession d’enseignant dans le réseau scolaire québécois.
Premier, deuxième, troisième et quatrième niveaux curriculaires
Dans une cohérence des lacunes, le contenu du quatrième niveau curriculaire se voit sans lien avec les indicateurs 2 et 4. Puis, la relation partielle qui figurait au deuxième niveau avec l’indicateur 3, et qui avait traversé au troisième niveau, revient également dans le plan de formation évalué. On la retrouve assurément dans ce plan de formation puisque étant approuvé par le CAPFE, il se doit de viser à développer les 12 compétences du référentiel ministériel, et donc d’informer sur les conditions d’exercice de l’enseignement dans les écoles subventionnées du Québec. On retrouve aussi un lien avec l’indicateur 3 par une formation pratique comportant quatre stages, dont certains peuvent être effectués à l’extérieur de la région où se situe l’université retenue, et même à l’extérieur du Québec. La convergence est cependant, encore une fois, partielle, puisque les stages hors de la région de l’université et surtout, hors du Québec sont des cas d’exception qui ne sont ni favorisés ni promus. En outre, seule l’information quant aux conditions réelles d’exercice de la profession enseignante est véhiculée par cette formation pratique, comme c’était le cas au deuxième niveau curriculaire, dans les orientations données par le MELS via le CAPFE.
Cela dit, le plan de formation évalué pour le quatrième niveau converge vers l’indicateur 1 ; c’est la première fois que cet indicateur trouve écho dans un niveau curriculaire autre que le premier. En effet, dans le plan de formation, il est mention de la présence d’un cours optionnel et de deux cours d’enrichissement que les étudiants peuvent choisir parmi une certaine liste, ce qui laisse entendre une liberté de prise en compte des aspirations (et intérêts) pour modifier la formation en conséquence.
Le tableau 4 résume l’analyse de la convergence du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire en lien avec la satisfaction professionnelle telle que nous venons de la décrire.
Tableau 4
Analyse de la convergence du curriculum québécois de formation des maîtres
du secondaire en lien avec la satisfaction professionnelle
5. DISCUSSION : INTÉGRATION D’ÉLÉMENTS FAVORISANT LA SATISFACTION PROFESSIONNELLE DANS LE VOLET CONCEPTUEL DU CURRICULUM QUÉBÉCOIS DE FORMATION DES MAÎTRES DU SECONDAIRE
5.1. Absence des indicateurs de la satisfaction professionnelle au deuxième niveau curriculaire et conséquences sur les niveaux subordonnés
L’analyse des données provenant de l’analyse documentaire nous permet de faire ressortir que dès le deuxième niveau curriculaire, donc dès les orientations données aux programmes par le MELS via le CAPFE, des lacunes sont présentes. En effet, les indicateurs de la satisfaction professionnelle (voir Tableau 1), pourtant reliés logiquement à la mission de l’université québécoise, ne se retrouvent pas dans les orientations prescrites, ou s’y retrouvent partiellement dans le cas d’une seule. Le fait est que les orientations données aux programmes en enseignement par le CAPFE sont reliées à l’enseignement uniquement, et axées sur son exercice dans le réseau scolaire québécois, indépendamment de la diversité des motivations professionnelles des étudiants démontrée entre autres par Lortie (1975), Huberman (1989), Sultana (2002), Moore Johnson et The Project on the next generation of teachers (2004), et confirmée par l’analyse des résultats du questionnaire utilisé dans notre recherche et des entrevues effectuées pour cette dernière (non présentés dans cet article).
Nous présumons que l’exigence sociale et économique de former des enseignants pour le réseau scolaire du Québec l’a emporté sur celle de favoriser la satisfaction professionnelle lorsqu’est venu le temps d’établir les orientations des programmes québécois de formation des maîtres. Peut-être que les ressources présentes permettent difficilement ou ne permettent pas, en cours de formation, la prise en compte des multiples aspirations professionnelles des étudiants, et l’information relative aux diverses professions de l’éducation et à leur exercice. Peut-être aussi que les exigences relatives à la satisfaction professionnelle sont méconnues des décideurs concernés par les orientations des programmes québécois de formation des maîtres. Toujours est-il que ces lacunes existent, et il n’est pas étonnant qu’elles se répètent dans les niveaux curriculaires hiérarchiquement inférieurs (les objectifs spécifiques de chaque programme et leur plan de formation respectif), puisque ce sont les niveaux supérieurs qui dictent le contenu des niveaux qui leur sont subordonnés (Goulet, 1976, 1986).
5.2. Constats reliés au premier objectif de notre recherche
L’interprétation des données provenant de l’analyse documentaire en lien avec les informations issues de la littérature nous permet de formuler les trois constats suivants :
- Le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire intègre des éléments favorisant la satisfaction professionnelle dans sa mission.
- Le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire n’intègre pas assez spécifiquement d’éléments favorisant la satisfaction professionnelle dans ses orientations. Ainsi, les objectifs de ces programmes et, possiblement, leur plan de formation respectif, ne traitent pas ou que partiellement de l’exigence d’informer les étudiants relativement aux conditions réelles d’exercice des professions de l’éducation, de les informer des choix concernant les diverses professions de l’éducation, de les aider lors de la phase d’insertion professionnelle, et de prendre en compte leurs aspirations professionnelles afin qu’elles puissent influencer leur formation.
- Le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire est dans son ensemble cohérent avec l’exigence des programmes de développer les 12 compétences professionnelles des enseignants énoncées par le MELS, exigence donnée par le CAPFE et qui se répercute dans les objectifs des programmes et, assurément, dans leur plan de formation respectif. Cette exigence est reliée à la nature professionnalisante de la formation des maîtres. Toutefois, cette nature diverge de la mission de l’université en ce qu’elle restreint la visée des programmes à une formation axée sur une seule profession de l’éducation, alors qu’aucune autre formation de premier cycle universitaire n’existe au Québec en éducation. Or, il est possible que des étudiants se retrouvent dans un tel programme avec une motivation professionnelle autre que l’enseignement dans le réseau scolaire, à court ou à long terme. D’après notre étude, cela est le cas au Québec, et d’après Lortie (1975), Huberman (1989), Sultana (2002) et Moore Johnson et The Project on the next generation of teachers (2004), cela se produit ou s’est produit ailleurs. C’est donc la nature même des programmes de formation des maîtres qui diverge de la mission de l’université de contribuer à la satisfaction professionnelle, dans le cas où un individu serait motivé à œuvrer en éducation dans une autre profession que l’enseignement, ou à enseigner dans un autre milieu que les écoles subventionnées par le gouvernement du Québec.
6. CONCLUSION : AXES D’AMÉLIORATION DU VOLET CONCEPTUEL DU CURRICULUM QUÉBÉCOIS DE FORMATION DES MAÎTRES DU SECONDAIRE EN LIEN AVEC LES EXIGENCES POUR FAVORISER LA SATISFACTION PROFESSIONNELLE
Si tous les étudiants en enseignement avaient pour motivation profssionnelle l’enseignement dans le réseau scolaire québécois, l’exigence du CAPFE de développer les compétences professionnelles des enseignants selon le MELS comblerait les besoins en information concernant l’exercice de cette seule profession de l’éducation. L’unique aspiration des étudiants serait forcément prise en compte également.
Il ne resterait qu’à inclure dans les orientations données à la formation des maîtres par le CAPFE l’exigence d’informer les étudiants quant aux autres possibilités de carrière en éducation et quant à l’aide offerte pour l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants.
Or, les motivations des étudiants sont diversifiées. Pour favoriser pleinement la satisfaction professionnelle future des étudiants, les programmes québécois de formation des maîtres du secondaire doivent prendre en compte cette diversité, dans une mesure proportionnelle à son importance. Ils doivent, parallèlement à cette prise en compte, informer les étudiants des professions de l’éducation et des conditions de leur exercice, pour leur permettre de mieux gérer leurs motivations. Ils doivent finalement inclure dans les programmes une information structurée de l’aide existant en insertion professionnelle, sinon offrir eux-mêmes des mécanismes d’aide. Cette inclusion en amont guiderait les universités dans l’énonciation des objectifs de leurs programmes de formation des maîtres et en aval, le contenu des plans de formation de ces programmes ne pourrait qu’en être influencé. Le Tableau 5 résume les propositions émergeant des constats de notre recherche pour que le volet conceptuel du curriculum québécois de formation des maîtres du secondaire favorise davantage la satisfaction professionnelle des enseignants.
Tableau 5
Axes d’amélioration du volet conceptuel du curriculum québécois
de formation des maîtres du secondaire
Auteure
Madeleine Lefebvre, M.Ed., est enseignante de français. Au cours des dernières années, elle a enseigné dans des écoles publiques, des écoles privées, en entreprise et pour le gouvernement du Canada. La recherche dont traite cet article a été réalisée dans le cadre de ses études à la maîtrise à l’Université du Québec en Outaouais sous la supervision de Madame Sylvie Fontaine Ph.D.
Courriel : lefm03@uqo.ca
Notes
- Le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS, autrefois le MEQ) ; le Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) ; les universités québécoises
- Michel, 1989 ; Lemire, 1995 ; Marso et Pigge, 1992 ; De Jesus et Paixao, 1996 ; Hammerness, 2000 ; Sultana, 2002 ; Inman et Marlow, 2004
- Les 12 compétences professionnelles des enseignants selon le référentiel du MELS (2001) :
1. Agir en tant que professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture dans l’exercice de ses fonctions ;
2. Communiquer clairement et correctement dans la langue d’enseignement, à l’oral et à l’écrit, dans les divers contextes liés à la profession enseignante ;
3. Concevoir des situations d’enseignement-apprentissage pour les contenus à faire apprendre en fonction des élèves concernés et du développement des compétences visées dans le programme de formation ;
4. Piloter des situations d’enseignement-apprentissage pour les contenus à faire apprendre en fonction des élèves concernés et du développement des compétences visées dans le programme de formation ;
5. Évaluer la progression des apprentissages et le degré d’acquisition des compétences des élèves quant aux contenus à faire apprendre ;
6. Planifier, organiser et superviser le mode de fonctionnement du groupe-classe, en vue de favoriser l’apprentissage et la socialisation des élèves ;
7. Adapter ses interventions aux besoins et aux caractéristiques des élèves présentant des difficultés d’apprentissage, d’adaptation ou un handicap ;
8. Intégrer les technologies de l’information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel ;
9. Coopérer avec l’équipe-école, les parents, les différents partenaires sociaux et les élèves, en vue de l’atteinte des objectifs éducatifs de l’école ;
10. Travailler, de concert avec les membres de l’équipe pédagogique, à la réalisation des tâches permettant le développement et l’évaluation des compétences visées dans le programme de formation en fonction des élèves concernés ;
11. S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel ;
12. Agir de façon éthique et responsable dans l’exercice de ses fonctions. - ubishops.ca; umontreal.ca; usherbrooke.ca; uqac.ca; uqam.ca; uqar.ca; uqtr.ca; uqat.ca; uqo.ca; ulaval.ca; mcgill.ca
- Des critères très précis s’appliquent pour que les étudiants puissent se prévaloir d’une telle disposition, avec l’approbation explicite du Module de l’éducation de l’université.
Abstract
Quebec as well as occidental teachers are particularly unsatisfied professionally. In Quebec, this causes the provincial educational system to encounter situations such as teachers’ shortages. We know that universities must favor the satisfaction of students professionally, and to be successful, they must provide programs that help them deal with their motivations. We are trying to get a measure of their success in the Quebec teachers training curriculum. Analysis of official documents relating to this curriculum allows us to discover where improvement is most needed in its conceptual aspect. The major problem resides in the official orientations given to the programs, because they do not include any of the four elements that would allow optimization of motivations’ management.
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